La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.
1 Juillet 2008
En cette année de 90e Anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, il est bien de rappeler le rôle important qu'a
joué Louise de Bettignies dans les services secrets. D'une efficacité remarquable et d'un courage indomptable, elle demeure une des plus belle figure de cette époque.
Rien ne pouvait faire prévoir son destin particulier. D'excellente famille, mais ruinée, elle part seule à 18 ans
dans un couvent en Angleterre pour être en parfaite possession de la langue. Particulièrement douée, elle parle, après un stage en Autriche, un allemand excellent, puis l'italien et le
néerlandais. Longue, mince, les yeux bleus et les cheveaux châtains, rien dans son aspect assez neutre, ne laisse deviner sa personnalité affirmée.
A la déclaration de guerre, Louise, à l'époque en Hollande, veut rejoindre sa mère à Amiens. Mais, étant arrivée à Lille, elle ne peut continuer en raison de l'avance allemande. Au bout d'un
certain temps elle est convaincue que le seul moyen de regagner la France est de passer par l'Angleterre. Elle y débarque. La police filtre les réfugiés. Non seulement elle répond aux
interrogatoires sans aucun accent, mais encore donne des renseignements sur les forces de l'invasion, les détails d'armement qu'elle a pu recueillir, les noeuds ferroviaires français qu'il serait
capital de faire sauter... Elle est introduite auprès du représentant local du Deuxième Bureau anglais: l'Intelligence Service: <<Mademoiselle, vous aller retourner en France et nous
tenir très précisément au courant de la mobilité des troupes allemandes, de leurs effectifs et de leur rayon d'action...>>
Louise de Bettignies accepte. Elle doit préalablement effectuer un stage à Folkestone pendant lequel elle sera initiée aux techniques de l'espionnage: encres sympathiques, code secret... Elle
apprend également à relever des plans, à reconnaître les plus grosses pièces d'artillerie, à identifier au bruit de leur moteur les premiers avions...
De retour en France, la voilà à pied d'oeuvre à Lille, munie de faux papiers que lui a fournis son frère, curé d'Orsinval. Elle recrute une équipière et peu à peu monte tout un réseau d'hommes et
de femmes de toutes conditions vivants dans tous les milieux. Prêtres, agents de police, lingères, cheminots, sages-femmes recueillent et lui transmettent ce qui paraît intéressant pour la
défense du pays.
Louise passe la frontière belge en carriole, jouant le rôle de fermière avec oeufs et volailles. Déguisée en Hollandaise, chaussée de sabots et portant bonnet, son jupon blanc est riches de
documents et de messages écrits au jus de citron qu'un réacteur rendra visible à l'arrivée. A moins que le talon de sa chaussure, ou le ruban de son chapeau de paille ne cachent un papier de soie
roulé avec les plans des tranchées allemandes. Rien ne l'arrête: elle se glisse sous les barbelés, traverse les ruisseaux.
Son "coup" le plus incroyablement audacieux fut d'endosser l'uniforme allemand, pour se mélanger dans une brasserie de Bruxelles aux officiers qui jouaient au billard. Leur conversation dûment
aiguillée lui fournit un faisceau d'indications, de mouvements dans les unités. C'est grâce à cette audace que le G.Q.G. anglais connut les routes et les ponts empruntés par les convois et put
stopper une avance redoutable.
Tant de volonté et de courage, ainsi que de méthode et de décision, font-ils de Louise de Bettignies un être tendu, crispé, sur ses gardes? Même pas! Tous les récits s'accordent pour la décrire
comme une jeune fille gaie, d'un rayonnement et d'une vitalité étonnante.
Hélas, elle est arrêtée pour un détail stupide: voyageant avec une amie, elle tente de lui faire passer la frontière avec son propre passeport. Un policier en civil l'arrête... Elle est
incarcérée à la prison de Saint-Gilles à Bruxelles. Son intelligence et son adresse lui permettent de se tirer des interrogatoires successifs. Mais elle demeure suspecte aux Allemands. C'est
alors qu'elle manque de perspicacité et se confie avec une franchise qu'on s'explique mal à une jeune femme introduite dans sa cellule, et qui est un "mouton".
Elle parraît devant le tribunal militaire et sera condamnée à mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Transférée à Cologne, malade et sans soins, elle meurt le 17 septembre 1918, sans
avoir vu la Victoire des Alliés...
Les Services de Renseignements anglais rendirent à Louise de Bettignies un vibrant hommage. La technicité du réseau qu'elle avait créé, le cloisonnement qui faisait de chaque agent une unité
propre ignorant les activités des autres membres, servirent de modèles aux résistants de la Seconde Guerre mondiale. Le titre de Jeanne d'Arc du Nord qui lui fut dédié par l'Evâque de
Lille est dû à son vibrant patriotisme et à son courage invincible.
S. Labbey/VDC