La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.
18 Novembre 2008
Soutenir le choc était une folie. Mais les 465 maquisards ont revendiqué l'honneur de mener ce combat contre 7 000 soldats de la 157e
Gebirgsjäger-division (Chasseurs de montagne) de la Wehrmacht, et 1 200 miliciens. Ils sont allés jusqu'au bout de leur courage et de leur devoir.
1. LE CONTEXTE HISTORIQUE
Le rappel chronologique des événements du Plateau des Glières ne peut suffire à
comprendre ce qui s'est passé. Tant que les maquisards avaient été sur le Plateau, leur engagement avait été si fort que les raisons de leur combat leur paraissaient évidentes. Ils étaient le
<<premier coin de France libérée>> comme l'avait dit Tom Morel. Ils avaient fait le serment de <<vivre libre ou mourir>>. Avec un enthousiasme, ils ont mené, sans faiblir,
le combat de la liberté contre l'oppression.
Mais, après la guerre, certains ont parlé de Glières comme d'un <<massacre>> inutile. Glières n'a pas échappé aux controverses que la période d'après-guerre, avec ses querelles
politiciennes, a fait naître sur le compte de la Résistance.
Alors pourquoi Glières ? Pourquoi a-t-on déclenché cette opération quatre mois avant le Débarquement et pourquoi n'a-t-on pas fait évacuer le Plateau avant l'arrivée de l'Armée Allemande ? La
mission de Glières n'a jamais été <<d'affronter directement les Allemands>>. L'expression est, hélas ! d'André Malraux, dans le discours qu'il prononce, en 1973, lors de
l'inauguration du Monument à la Résistance, sur le Plateau. Ce grand romancier a su magnifiquement glorifier le courage des combattants, comparant Glières au combat des Termopyles. Mais il
n'avait pas pris le temps de lire la documentation historique qui lui avait été remise.
A l'origine, Glières est une simple opération de parachutage, avec une différence qui va peser lourd: son envergure. Rappelons qu'au cours de l'année 1943, le département de la Haute-Savoie a
reçu plus d'une quinzaine de parachutages. Mais ce sont chaque fois des opérations menées par un très petit nombre d'avions, deux ou trois. Chacun de ces avions ne pouvant transporter que deux
tonnes d'armes (quinze containers), on mesure combien il était nécessaire, pour armer quelques milliers de maquisards, de choisir un terrain de parachutage adapté à de grosses opérations. A cause
de la neige qui ne permet pas de faire des allers-retours rapides entre les vallées et les lieux de largage, il faut utiliser une seule grande plate-forme de parachutage qui puisse être tenue
pour la durée des opérations. Ce sera le Plateau des Glières.
Tout commence le 27 janvier lorsque Londres décide les parachutages destinés à armer les 2 350 hommes recensés par la mission préparatoire commune du BCRA et du SOE venue à l'automne en
Haute-Savoie. Le 31 janvier, l'Armée Secrète fait monter sur le Plateau l'effectif minimum pour recevoir les largages. Ceux-ci ne peuvent arriver qu'avec le clair de lune. La pleine lune est le
10 février. Mais la neige n'a pas cessé de tomber. Le ciel ne se dégage partiellement que le 14. Un premier largage a lieu la nuit suivante. Or dès le 7 février, les forces de l'ordre, amenées en
renfort en Haute-Savoie par le gouvernement de Vichy pour la mise en état de siège du département, ont commencé à ceinturer le Plateau. Le 12 février, elles mènent une première opération contre
les maquisards qui leur infligent des pertes. Désormais il n'est plus possible de redescendre sans forcer les barrages. Et il faut attendre les parachutages annoncés. Ils n'arriveront qu'avec la
pleine lune suivante: le 10 mars. Entretemps, les hommes du Plateau vont devoir défendre le site de largage. Tom Morel dispose de 300 hommes, tenir le Plateau ne présente pas de difficulté
majeure face aux troupes de Vichy. D'ailleurs celles-ci ne réussiront jamais à y prendre pied même au moment de l'attaque allemande finale.
Pourtant plus le temps passe, plus
le risque de voir arriver les forces allemandes augmente. Or, ce que ne savent pas les maquisards c'est que, dès le mois de janvier, les Allemands ont donné le 12 mars comme date butoir à Vichy
pour régler le problème des <<nids de terroristes>> en Haute-Savoie. Après cette date, la Wehrmacht interviendra...
Tom Morel ignore cet ultimatum. Il est sans nouvelles de Londres. Il envisage cette hypothèse logique: évacuer le Plateau. Mais le Plateau est ceinturé par les troupes de Vichy, la Haute-Savoie
est quadrillée par elles et la neige tombe partout, il faut préparer minutieusement l'opération. Il n'en aura pas le temps: il est tué le soir du 9 mars. Le matin de ce jour fatidique, arrive sur
le Plateau l'officier qui assure la liaison avec la France Libre: le capitaine Rosenthal (dit Cantinier). Celui-ci transmet des consignes précises venant de Londres: Glières doit être tenu pour
servir de <<tête de pont>> et recevoir des parachutages et des renforts canadiens. Effectivement, dans la nuit du 10 au 11 mars, 30 quadrimoteurs Halifax larguent 60 tonnes
d'armes.
C'est Louis Jourdan qui remplace Tom Morel. Il a une première tâche: assurer la protection du Plateau contre les attaques des GMR et de la Milice, car Vichy fait tout pour gagner la partie avant
l'intervention des Allemands. Il demande au commandant Clair, chef de l'Armée Secrète après le départ de Romans-Petit, de faire monter le capitaine Anjot pour assumer le commandement. Il faut
aussi récupérer les containers dispersés sur plusieurs kilomètres, enfoncés dans deux mètres de neige. Les chutes ont repris de plus belle (70 cm en une nuit, le 13 mars). Les hommes sont bloqués
avec des tonnes d'armes qu'ils sont trop peu nombreux pour évacuer.
Fallait-il leur donner l'ordre de quitter le Plateau et laisser les armes ? Etait-ce concevable par rapport à la mission fixée par Londres et aux enjeux qu'elle représentait pour la France Libre
et pour la Résistance toute entière ? Ces questions seront débattues lors d'une réunion des responsables départementaux de l'Armée Secrète et des MUR, quelques jours après le parachutage.
Cantinier refuse d'abandonner sans combattre le matériel considérable que les Anglais ont parachuté pour la première fois à un maquis français.
Il souligne que Glières est devenu un test de la capacité des maquis à se battre aux côtés des Alliés. C'est la réputation de la Résistance qui est en jeu. L'idée d'évacuer le Plateau est
abandonnée à l'unanimité. Le capitaine Anjot vient prendre le commandement de Glières.
Cette décision de ne pas abandonner les armes a été souvent contestée. Mais que ce serait-il passé si le bataillon des Glières avait voulu se disperser sans combattre ? Et puis, la radio de la
France Libre avait tellement exalté la force symbolique de cette première bataille de la Résistance !
Jacques Golliet
Ancien Sénateur
Président de l'Association des Glières
LVDC/n° 1694
Fin de la première partie. A suivre: le choc frontal du 26 mars