La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.
17 Décembre 2008
A partir de 1933, les Sinti et Roms qui vivaient en Allemagne perdirent leurs droits
au même titre que les Juifs, et furent persécutés par le régime nazi. A la fin de l'année 1938, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler ordonna leur recensement. Dans le cadre d'<<analyse de
race>> soi-disant scientifiques, les 24 000 expertises réalisées furent un préliminaire du génocide de cette minorité qui vivait dans le pays depuis six cents ans.
Après le décret pris par Himmler le 16 décembre 1942, les Sinti et Roms (1) furent déportés du Reich
allemand et de l'Europe occupée vers le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, pour y être en grande partie exterminés. Plusieurs centaines de milliers d'entre-eux furent
victimes du génocide; certaines estimations parlent de près d'un demi-million. Au moins cinq cents furent déportés au camp de concentration de Natzweiler au Struthof (Alsace) et dans les camps
avoisinants. Ce chiffre a pu être établi grâce aux registres de numéros et à des documents de l'administration du camp qui ont été conservés.
Cependant, seules ont pu être recensées les personnes que les SS avaient classées dans la catégorie <<tziganes>>. Il est très probable que certains ont été répertoriés dans d'autres
catégories de prisonniers. Leur nombre, leurs noms et leurs destins demeurent inconnus à ce jour. On n'a aussi qu'une connaissance très rudimentaire des parcours individuels des Sinti et Roms du
camp de Natzweiler. Jusque dans les années 1980, on a refusé aux survivants la reconnaissance politique et juridique du génocide perpétré par les nazis pour des motifs <<de
race>>.
Il n'y eut pas non plus d'analyse scientifique des tenants historiques, ni de documentation sur les destins malheureux
des victimes. De ce fait, les lacunes au niveau de la recherche sur leur situation à Natzweiler n'ont pu être comblées, malgré les efforts du Centre de documentation et de la culture des Sinti et
Roms allemands. Presque tous les témoins sont décédés dans l'intervalle et très peu ont laissé des écrits.
Les dix premiers Sinti et Roms arrivèrent à Natzweiler le 26 octobre 1941 avec un transport de 150 prisonniers en provenance du camp de concentration de Buchenwald. Ils étaient les tout premiers
prisonniers du camp incarcérés sur des critères raciaux. Entre octobre 1941 et novembre 1944, au moins dix-sept convois de déportés y amenèrent des Sinti et Roms de nationalité allemande,
française, lituanienne, autrichienne, polonaise, roumaine, russe, hongroise et tchèque. Parmi eux, les Hongrois et les Allemands représentaient les deux groupes nationaux les plus importants.
Ils furent internés dans le camp principal et dans quinze camps extérieurs: Bisingen, Cochem, Dautmergen, Frommern, Iffezheim, Kochendorf, Leonberg, Neckarelz, Neckargerach, Obernai, Schömberg,
Schörzingen, Sainte-Marie-aux-Mines, Vaihingen/Enz et Zell am Hamersbach. Parmi les prisonniers Sinti et Roms déportés à Natzweiler et dans ses camps annexes, au moins 133 furent assassinés,
victimes d'expériences pseudo-scentifiques, de mauvais traitements, de maladies et de privations. Les expériences inhumaines que pratiquèrent sur eux les <<scientifiques>> nazis
constituent un chapitre particulièrement atroce de l'histoire de ce camp.
Les premières grandes vagues d'internement de ces populations à Natzweiler étaient déjà liées aux expériences sur le typhus exanthématique planifiées par le bactériologue Eugen Haagen. Il avait
réclamé 100 Sinti et Roms détenus au camp d'Auschwitz dans le but de s'en servir comme <<cobayes>> pour tester un nouveau vaccin contre cette forme de typhus à la demande de l'armée
de l'air allemande (Luftwaffe). Ses <<études>> avaient reçu un financement officiel de la part de la Deutsche Forschungsgemeinschaf (Fondation allemande de la
recherche).
Romani Rose
Président du Conseil Central des Sinti et Roms d'Allemagne (Heidelberg)
Les Chemins de la Mémoire n° 180 - 02-2008
(1) L'origine des termes Sinti et Roms vient du romani, la
langue parlée par ces populations minoritaires, le terme Sinti désignant celles qui vivaient en Europe centrale depuis le Moyen Âge, le terme Roms se réfèrant à celles qui sont arrivées en Europe
du Sud et de l'Est.
Fin de la première partie. A suivre: Les expériences du bactériologue Eugen Haagen.