La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.
9 Août 2010
En avril 2010, la Croix de Guerre, décoration emblématique de la Grande Guerre, a eu quatre-vingt-quinze ans. Créée au cours de l'année 1915, cette décoration honore, entre autres, les soldats français qui se sont particulièrement distingués au cours du premier conflit mondial.
Au cours des premiers mois de la campagne de 1914, la France ne dispose pas d'une décoration spécifique récompensant et matérialisant les actes de bravoure individuels. Certes, l'Ordre National de la Légion d'Honneur créé en 1802, la Médaille Militaire instituée en 1852, ou bien encore les citations à l'ordre du jour des régiments suppléent à cette absence. Cependant, chacune de ces décorations est décernée avec parcimonie afin de ne pas ruiner le prestige de ces Ordres.
A l'automne de 1914, le général Boëlle, commandant alors le IVe Corps, tente de convaincre l'administration de la nécessité de la création d'une décoration spécifique. Cette proposition, relayée en novembre par Maurice Barrès, député de Paris et chantre du patriotisme, sera signifiée par la demande de << la création d'une nouvelle récompense militaire. D'une médaille de bronze pour que le chef puisse décorer ses plus braves soldats sur le champ de bataille après chaque affaire >> (1).
Dès lors, en décembre 1914, un groupe de députés, à la tête duquel se trouve Georges Bonnefous, soumet à la Commission de l'armée de la Chambre des députés une proposition de loi sur la création d'une "médaille de la Valeur militaire". Constatant l'absence d'un tel insigne -qui à l'époque existe dans les armées étrangères- le député Emile Driant (2), rapporteur de la Commission, propose un texte visant l'adoption d'une telle décoration.
Celle-ci, qui doit porter un nom bref évoquant pour tous l'abnégation des récipiendaires, restera dans l'Histoire sous le nom de << Croix de Guerre >>.
En ces temps d'union sacrée, cette proposition ne rencontre aucun obstacle; elle suscite seulement un débat sur la hiérarchisation des citations en fonction de leur éclat ou sur l'adoption de tel ou tel modèle.
En effet, les parlementaires s'arrêtent sur la couleur du ruban. Certains le veulent vert uni, c'est-à-dire que l'on reprendrait le ruban de la médaille commémorative de 1870 sans les raies noires qui symbolisaient la perte de l'Alsace-Lorraine. D'autres le souhaitent au contraire bleu azur... Finalement, le choix des députés se porte sur un ruban vert avec liséré rouge à chaque bord et comptant cinq bandes rouges.
Ce ruban n'est autre que celui de la médaille de
Sainte-Hélène, créée en 1857 par Napoléon III pour les derniers vétérans de la Grande Armée. De ce fait, on associe à ce nouvel insigne, << les souvenirs glorieux des grandes guerres
d'autrefois à la grande guerre d'aujourd'hui >> (3).
La loi du 8 avril 1915 institue la Croix de Guerre destinée à << commémorer, depuis le début de la guerre de 1914-1915, les citations individuelles pour faits de guerre >> (4).
Cette décoration, dont l'aspect a varié au fil des débats parlementaires, mais aussi au gré des propositions d'artistes (pas loin de sept projets), se présente sous la forme d'une croix pattée en bronze du modèle de 37 mm, à quatre branches avec deux épées croisées. Le modèle retenu est celui du maître sculpteur Bartholomé.
Sur l'avers figure au centre une tête de "Marianne" coiffée du bonnet phrygien et ornée d'une couronne de laurier avec en exergue "République Française". Au revers figure l'inscription "1914-1915" qui est modifiée chaque année jusqu'à la fin de la guerre (5).
La remise officielle de la Croix de Guerre se fait au cours d'une prise d'armes. La matérialisation des citations, les conditions d'obtention, et l'aspect général de la décoration sont précisés dans le décret d'application du 23 avril 1915. A chaque citation -reconnaissance d'un acte de bravoure individuel- correspond un insigne spécifique et distinctif. Celui-ci s'agrafe sur le ruban qui peut en recevoir plusieurs.
Ainsi, il peut être apposé une étoile de bronze matérialisant une citation à l'ordre du régiment ou de la brigade. Une étoile d'argent représente une citation à l'ordre de la division, et une étoile en vermeil une citation à l'ordre du corps d'armée. La palme en bronze matérialise, quant à elle, une citation à l'ordre de l'armée. Concernant les citations collectives, la fourragère est instituée en avril 1916. Ce cordon en tissu tressé aux couleurs de la décoration est porté par tous les militaires pendant leur présence au sein de l'unité citée.
La Croix de Guerre peut aussi être décernée aux civils, à des étrangers, à
des institutions, des bâtiments de la Marine nationale, des collectivités, voire même à des animaux (6).
En effet, près de 3 000 communes réparties dans 18 départements ont été décorées au cours du premier conflit mondial. La première fut Dunkerque en octobre 1917. Parmi les villages décorés, ceux qui ont été détruits au cours de l'offensive de Champagne en septembre 1915, tels Tahure, Perthes-Les-Hurlus ou bien encore Massiges obtiennent, en septembre 1920, la citation suivante: << Ont été réduits à l'état de ruines glorieuses au cours des combats aponiâtres qui ont immortalisé leurs noms, faisant preuve, dans l'adversité des plus belles qualités de courage et d'abnégation. Ont dignement mérité de la patrie >>.
Au 1er mars 1920, le ministère de la guerre recense 2 055 000 décorations décernées. Cependant, ce nombre est bien en deçà de la réalité puisqu'il ne comptabilise pas les attributions à titre posthume et les Croix de Guerre accompagnant d'office la Légion d'Honneur et la Médaille Militaire.
Loin d'être une médaille commémorative, cet insigne reste une décoration très symbolique puisqu'il rappelle les faits d'armes individuels des soldats et marque aussi, au travers d'objets du quotidien (médaille des écoles, assiettes, etc.) sur lesquels il figure, l'impact de la guerre sur la société française.
Le symbole de la Croix de Guerre est si fort qu'il a donné lieu à d'autres insignes analogues. Portant des noms différents, il n'en demeure pas moins que ceux-ci récompensent les actions individuelles menées au cours des autres conflits contemporains où l'armée française est engagée (Croix de Guerre 1939-1945, Croix de Guerre des T.O.E. (7), Croix de la Valeur Militaire).
A.N.C.G. (Association Nationale des Croix de Guerre et de la Valeur Militaire)
Hôtel national des Invalides
129, rue de Grenelle
75007 PARIS
Les Chemins de la Mémoire N° 147 / 02-05
Notes:
1) "L'Echo de Paris", 27 novembre 1914.
2) Cet ancien officier, célèbre pour ses romans militaires signés sous le pseudonyme du "Capitaine Danrit", connaîtra une fin tragique à la tête des 56e et 59e Chasseurs le 21 février 1916.
3) Propos extraits du rapport sénatorial Murat.
4) Article de la loi instituant la Croix de Guerre.
5) Une Croix de Guerre du premier conflit mondial porte ainsi les inscriptions "1914-1915"; "1914-1916"; "1914-1917"; "1914-1918".
6) Le pigeon voyageur "Le Vaillant" fut le dernier oiseau lancé, le 4 juin 1916, du fort de Vaux assiégé et parvint à remplir sa mission.
7) T.O.E. (Théâtre d'opérations extérieures).