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Le blog de l'ULAC de Bagnolet

La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.

Le cheminement tragique de Jean Bassompierre...

L'itinéraire de Jean Bassompierre, comme celui de Joseph Darnand, témoigne de l'effroyable confusion des esprits que suscita notamment chez les militants de l'extrême droite nationaliste d'avant guerre, la conjonction de la défaite de 1940, de l'occupation, de la présence du Maréchal Pétain à la tête de l'Etat et de l'antibolchévisme. Lui aussi était un patriote. Mais lui aussi fut dévoré par la passion qui brouille la vue et déforme le jugement.

bassompiereIls étaient trois frères Bassompierre: Jacques, Jean et Henri. L'aîné, Jacques, capitaine d'infanterie en 1939-1940, commandait un ouvrage d'avant poste, au confluent de la Lauter et du Rhin. Il sera fait prisonnier par les Allemands mais réussira à s'évader.

Le cadet, Henri, pilote aviateur, sera tué en plein ciel de France, au-dessus de l'Alsace, à Wittisheim, le 9 janvier 1945, au retour d'une mission de bombardement en Allemagne; médaillé militaire et croix de guerre, il avait 28 ans.

Le troisième frère, Jean, lieutenant au 74e bataillon d'alpins de forteresse, croix de guerre 1939-1940, sera condamné à mort par la Cour de Justice de la Seine en janvier 1948, et tombera sous les balles françaises d'un peloton d'exécution, le 20 avril 1948, au Fort de Montrouge.

Pourquoi ce destin tragique de deux "frères ennemis" ?

Né le 23 octobre 1914 à Honfleur, Jean Bassompierre fut un brillant élève au lycée Jeanson-de-Sailly. Il fit ses études de droit et de sciences politiques. Ayant reçu une éducation traditionaliste et d'un patriotisme intransigeant, Jean Bassompierre fut fasciné par les idées politiques dès la fin de son adolescence. Son caractère le poussait à être un militant avant tout.. Il adhéra aux Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger.

Défenseur du nationalisme, là où il était, il vendit dans les rues de Paris l'hebdomadaire des J.P.: le "National", et fit souvent le coup de poing contre les militants communistes et socialistes qui prétendaient lui barrer le chemin. Déjà, il s'accommodait ses actes à ses discours. Toujours ses convictions sincères ne le laisseront pas en repos tant qu'elles ne se soient réalisées dans l'action.

Sa connaissance des langues que lui avaient valu ses séjours en Espagne et en Angleterre, ses études de droit et de sciences politiques, le destinaient à une carrière civile. Et pourtant... Jean Bassompierre appelé sous les drapeaux en 1936, libérable en 1938, va rester dans l'armée comme officier d'active (il a fait les E.O.R.). Il ne songeait pourtant pas faire carrière dans l'armée mais, voyant grandir à l'Est les menaces de guerre, il désirait être au premier rang et prêt à remplir sa mission pour témoigner son amour de la France. Et ce fut la débacle de juin 1940...

"Corps et âme au Maréchal"

Le lieutenant Jean Bassompierre a été le meilleur officier de son régiment, ses chefs sont formels, toujours au premier rang et volontaire pour toutes les missions périlleuses. Il accepte mal l'armistice. Le 25 juin 1940, au matin, il a reçu l'ordre d'évacuer le Fort de Conchetas, à deux mille mètres d'altitude, au-dessus de Saint-Martin-Vésubie, et de se replier avec ses hommes sur Digne.

Il décide de faire sauter tous ses explosifs et les 200 000 cartouches de mitrailleuses que son unité possédait. Une formidable explosion se répercute dans la montagne. Bassompierre a fait le vide devant l'arrivée prochaine des troupes italiennes pour lesquelles il n'a que mépris.

Au moment de se séparer de ses hommes, il partage sa solde d'officier avec eux et leur dit: << Il ne faudra pas avoir peur de regarder l'occupant en face, car nous ne sommes pas battus. Nous n'avons seulement pas su aimer la France. J'emploierai toute ma vie à préparer la revanche >>.

Démobilisé le 15 août 1940, il rejoint Nice où il retrouve un homme qu'il a connu en 1936-1937, lorsqu'il était sous-lieutenant dans un bataillon de chasseurs alpins: Joseph Darnand et sa batterie de décorations.

<< Nous tombons immédiatement d'accord, écrit Jean Bassompierre (1); nous voulons continuer à servir la France; nous avons encore un gouvernement; celui-ci nous parle de Révolution nationale, mots prestigieux qui nous redonnent espoir. Car il est manifeste que notre désastre militaire provient surtout de la carence complète d'un régime vomi par tous les honnêtes gens. Nous espérons tous un peu plus de propreté morale et de justice sociale. Une noble tâche nous attend: montrer au monde que nous ne sommes pas devenus un peuple d'esclaves, que nous sommes encore un grand pays à la tête d'un Empire intact et de la marine de guerre la plus moderne. Le Maréchal nous convie à cette grande oeuvre, nous nous donnons à lui corps et âme. >>
 Bassompierre ajoute: << Et c'est ainsi que je suis amené à devenir secrétaire général de la Légion des Combattants des Alpes-Maritimes, dont le chef était Darnand >>.

Bassompierre, bien qu'il ait toujours eu la conviction de servir son pays, n'était pas de ces hommes qui se sentaient le droit de juger ceux qui avaient pris un parti différent. Pour lui, la valeur de leur acte ne venait pas de la justesse de leur raisonnement et du sort des armes, mais de l'esprit qui les animait et de la façon dont ils accomplissaient leur devoir. Lors de son procès, en 1948, Bassompierre admettra qu'on l'accable pour s'être trompé. Il refusera qu'on l'accuse d'avoir trahi: << La trahison, c'est manquer à son serment, à ses amis, à ses compatriotes, (...) ce n'est pas adopter publiquement une opinion et lui rester fidèle jusqu'à la mort. S'il est honteux de tromper, il ne l'est pas de se tromper. >>

Sous l'impulsion de Joseph Darnand, Bassompierre, avec ses camarades Noël de Tissot et J. Durandy (qui seront tués tous les deux sur le front de l'Est), donnent naissance au Service d'Ordre Légionnaire (S.O.L.). Rapidement, on le sait, les S.O.L., nés à Nice, connaissent un essor national, grâce à Darnand.

bassompierre2En vert-de-gris

La création de la L.V.F. (Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme) le 27 août 1941, n'enthousiasme guère Bassompierre. Se battre contre le bolchévisme est une chose, revêtir pour cela l'uniforme allemand en est une autre. Pourtant, un an plus tard, Bassompierre s'interroge: << En prenant les armes aux côtés de l'Allemagne contre un ennemi commun, le bolchévisme, n'est-ce pas là le moyen de donner une chance à notre pays de n'être pas écrasé par notre puissant voisin, qui risque de devenir le maître de l'Europe? >> Et il saute la pas: il s'engage dans la L.V.F.

Le plus dur lui est de revêtir l'uniforme allemand. Quand il se regarde dans une glace, il pâlit. Les larmes lui viennent aux yeux. Evoquant cette cruelle minute, Bassompierre avouera qu'il eut la tentation d'arracher ces effets militaires et qu'il ne parvint à surmonter sa répugnance qu'en se répétant les termes du message du maréchal Pétain aux légionnaires de la L.V.F.: << En allant combattre loin de votre patrie, ce sont les frontières mêmes de la France que vous protégez du bolchévisme. Vous détenez une part de l'honneur militaire français. >>

Pendant toute l'année 1943, Bassompierre se bat contre les Russes. Il est en avril sur la Berezina. Il est de tous les combats de cette poignée de Français en "vert-de-gris". Ce qui lui vaut d'être décoré de la Croix de Fer. Pendant qu'il est dans les plaines russes, le S.O.L. s'est transformé en Milice française.

En février 1944, Jean Bassompierre et son camarade François Gaucher reçoivent l'ordre du gouvernement français de rejoindre Paris pour y prendre les rênes de la Milice en zone Nord. Un mois plus tard, ils entreprennent cette nouvelle tâche. Si Bassompierre fait beaucoup de propagande en faveur de la Milice, en revanche il ne mène aucune action de maintien de l'ordre en zone Nord, sauf dans un cas: la répression de la révolte des 4 000 détenus de droit commun à la prison de la Santé, le 14 Juillet 1944.

Lors du procès Bassompierre, entendus comme témoin à charge, sous la foi du serment, René Vanegue, directeur adjoint de la police municipale, et Maurice Couget, qui avait été sous-directeur de la Santé, confirmèrent que Bassompierre avait << rétabli l'ordre sans effusion de sang >>.

On sait que ce sont Pierre Gallet, Max Knipping et Georges Radici qui constituèrent une cour martiale et condamnèrent vingt-huit des mutins à la peine de mort, sentence qui fut exécutée une heure plus tard. Le commissaire du gouvernement ne retint pas contre Bassompierre ce que l'acte d'accusation lui avait reproché dans cette affaire de la Santé qui a tant fait couler d'encre.

Comme les autres miliciens, en août 1944, Jean Bassompierre obéit aux ordres de Darnand. Et ce sont pour lui aussi les étapes de Nancy, Schirmeck, Ulm, Wildflecken, la SS, l'engagement en Poméranie, l'écrasement, et enfin, la captivité en U.R.S.S.

Lors de son transfert vers la France, au mois de mai 1946, il parvint à s'évader, à regagner clandestinement la France, à franchir les Alpes à pied et à gagner Rome puis Naples où il espérait s'embarquer pour l'Amérique du Sud. Arrêté sur le bateau, ramené en France, incarcéré, il sera condamné à mort en janvier 1948 et exécuté le 20 avril.

André Bellechasse
Historia hors série n° 40 "La Milice, la collaboration en uniforme". 1975

(1) Jean Bassompierre: "Frères ennemis", page 124 
précédé de "Sacrifice de Bassompierre", par Charles Ambroise Colin (Amiot-Dumont).

 

Une récente publication de M. Yves LOISEL vient de paraître aux éditions COOP-BREIZH. Il s'agit d'un essai sur l'académicien Français Michel Mohrt (1914-2011) qui fut un grand ami de Jean BASSOMPIERRE et qu'il a toujours défendu.

Cet essai s'intitule: "Michel MOHRT - Portrait"

 

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L
J'ai été très intéressé par cet article sur Jean Bassompierre. Il se trouve en effet que je viens de publier un livre sur l'académicien français Michel Mohrt (&quot;Michel Mohrt - Portrait&quot; aux éditions Coop Breizh). Mohrt s'était lié d'amitié avec Bassompierre lors de leur combat commun pour défendre le fort de Conchetas, à la frontière italienne, et il l'a toujours défendu même après la condamnation à mort de Jean Bassompierre. <br /> Cordialement.<br /> Yves Loisel.
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N
Bonjour, <br /> Je recherche des informations sur Jacques BASSOMPIERRE. <br /> Monsieur BERNEX, avez-vous des contactes avec sa famille, svp ? <br /> Je cherche à savoir si Jacques et le même capitaine de la 11e Cie du 89e RI qui résista au sud d'Amiens du 5 au 6 juin 1940... <br /> <br /> Merci d'avance,<br /> Nicolas
P
Je suis le petit fils de Henri Bassompierre, pour information ils étaient 4 frères avec Philippe Bassompierre