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Le blog de l'ULAC de Bagnolet

La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.

Mémoire de la déportation: Les monuments du Cimetière du "Père Lachaise" (1/2)

  normal memorial-auschwitz-birkenau

A l'approche du 65e anniversaire de la "Journée Nationale des Déportés et de la Libération des camps" le 25 avril prochain, il apparaît nécessaire de s'attarder quelque peu sur l'ensemble de ces monuments <<souvenirs>> édifiés à la mémoire de la déportation. C'est au cimetière du Père Lachaise, dans l'Est parisien, que l'on peut découvrir l'un des plus remarquables lieux de conservation de la mémoire de la déportation et de la Résistance; un exceptionnel ensemble de sculptures honore celles et ceux qui ont souffert de la barbarie nazie et qui l'ont combattue...

 

LE CONTEXTE.

Un ensemble d'une vingtaine de sculptures se découvre à l'une des extrémités du cimetière du Père Lachaise, résumant plus de cinquante années de commémorations et de conservation de la mémoire des camps de concentration, d'extermination, et de leurs kommandos (camps annexes).

 

Ces oeuvres sont d'abord marquantes par leur diversité extraordinaire, paradoxe que de célébrer une même tragédie avec autant de choix structurels différents. Les artistes (bronziers, marbriers, etc.) qui les ont créées ont, en effet révélé un aspect de l'histoire de la déportation en rapport avec leur sensibilité, certes, mais aussi lié à l'identité particulière de certains camps, tel Mauthausen et son tragique escalier...

 

Ils ont en outre dû affronter un terrible défi qui était de créer une oeuvre mémoriale sur les ruines d'un système qui prônait la destruction et a conduit à l'extermination de millions d'êtres humains en 12 années (1933-1945). Comment créer et donner un sens à ce qui n'en a pas et n'en aura jamais? Les résultats sont à la hauteur du défi: il n'y a qu'à évoquer, pour s'en convaincre, le saisissant contraste entre la sobriété de la pierre gravée de Ravensbrück et l'hallucinant personnage décharné du monument d'Orianenbourg-Sachsenhausen...

 

Le thème de la souffrance est omniprésent, les créateurs ayant traduit dans la pierre ou le bronze l'atrocité des conditions de vie des millions de déportés. De même, on saisit très  vite le caractère massif et universel de la déportation, à la fois grâce aux plaques-épitaphes évoquant de manière concise le nombre de prisonniers et de nationalités pour chaque camp, mais aussi grâce à certains éléments particuliers des sculptures. Ainsi, le monument de Bergen-Belsen présente des empreintes de semelles de chaussures de tailles différentes, rappelant que les déportés furent des femmes, des hommes et des enfants.

 

FlossenburgFlossenburg.

La volonté pédagigique est évidente; une carte situe le camp et ses 95 kommandos à la limite de la Tchécoslovaquie d'alors. Ce fut le 4e camp ouvert par les nazis, aux abords d'un village champêtre dans une campagne reculée. Autour se trouvaient des carrières et des usines d'armement et d'aviation.

Prévu initialement pour 1 600 prisonniers, il fut rapidement agrandi et plus de 110 000 déportés y furent incarcérés. Les SS eux-mêmes évoquaient un "régime sévère" en parlant de ce camp.

Le monument est l'un des rares non signé. A-t-on voulu, à travers cette absence, renoncer à ce qu'il soit une oeuvre d'art? Toujours est-il que la stèle suggère l'insoutenable souffrance des déportés de Flossenburg.

Edifiée dans le granit de la carrière avoisinant le camp, elle présente l'empreinte d'un escalier de 10 marches abruptes à la base duquel se trouvent 4 blocs de pierre taillée, révélant brutalement les principales causes de la mort de 75 000 déportés. Une urne y contient les cendres issues du four crématoire.

C'est le plus récent des monuments, puisqu'inauguré en 1995, pour le cinquantenaire de la libération du camp, ce qui explique l'unicité de l'épitaphe  remarquée sur l'un des côtés de la stèle, épitaphe allemande... Flossenburg fut libéré par les Américains le 23 avril 1945.

 

MathausenMauthausen.

Situé à 25 km de Linz, en Autriche, le camp et ses 65 kommandos, près desquels on trouvait notamment les usines Messerschmitt, fonctionnèrent d'août 1938 à mai 1945.

Près de 200 000 déportés y furent emprisonnés dont 12 500 Français. le choix de l'artiste a été de concilier sobriété et brutalité.

Le monument, relativement haut et certainement l'un des plus remarquables de l'ensemble, date de 1958 et est composé de sept blocs de granit provenant de la carrière de Mauthausen.

Ils reproduisent l'escalier de la mort, à savoir 186 marches inégales que les déportés devaient quotidiennement affronter avec des pierres de plus de 20 kilos sur leur dos.

Les SS faisaient notamment des paris sur certains prisonniers, puis les précipitaient du haut de la carrière. Ils appelaient cala le "saut du parachute".

A la base de l'escalier d'une trentaine de marches, sculpté par S. Choain, un bronze fondu par M. Hohwiller représente un déporté décharné pliant sous le poids d'une lourde charge de granit, et dérisoirement petit comparativement à l'escalier qui semble sans fin... A l'arrière du monument, se trouve une urne contenant les cendres de la terre de Mauthausen.

 

NeuengammeNeuengamme.

Ce camp présente la particularité d'avoir été construit près d'une briquetterie confisquée à des propriétaires juifs par les SS.

Il s'agissait du grand camp du nord de l'Allemagne, établi au coeur d'une région froide et marécageuse, à 25 km de Hamburg, et voisin d'usines de voies ferrées et de métallurgie.

Il y eut au bas mot plus de 100 000 détenus à Neuengamme et dans ses 99 kommandos, dont 13 500 Français.

Avec l'avancée des troupes soviétiques, les SS tentèrent d'évacuer totalement le camp au début du mois d'avril 1945 et firent faire aux survivants, des marches forcées de la mort en direction du camp de Bergen-Belsen et de Sandbostel, où d'effroyables tueries eurent lieu.

Le monument de Pierre Honoré est l'un des premiers inaugurés au cimetière du Père Lachaise, en 1949.

Créé en granit blanc, il présente un caractère sobre. Une figure accroupie, sans expression, traduisant l'absence de sentiments et par conséquent une certaine déshumanisation, encadre la stèle et l'inscription commémorative rappelant le sacrifice non vain des milliers de Français de Neuengamme.

 

RavensbruckRavensbrück.

Le camp de Ravensbrück fut avant tout un camp de femmes.

Construit avec ses 31 kommandos dans une région appelée "petite Sibérie mecklembourgeoise", le camp faisait travailler les déportées à des terrassements, à des récupération de vêtements, mais aussi dans les usines Siemens, installées alentour.

150 000 femmes de 29 nationanités différentes y furent internées. Aujourd'hui, une façade du mur d'enceinte du camp longeant la fosse commune est couverte de roses de tous pays, à la mémoire des 92 000 mortes.

Une stèle proche du monument évoque l'existence de la rose de Ravensbrück. On peut y lire quelques vers d'un poème de Marcelle Dudach-Roset.

Oeuvre d'Edouard Morlaix, inaugurée en 1951, date à laquelle on plaça les cendres des déportées du camp, le monument de Ravensbrück impose le recueillement. De taille modeste, il présente deux gigantesques mains liées, disproportionnées, jaillissant d'un amas de pierres. On a ici une éloquente allusion à la solidarité des femmes, valeur essentielle selon les témoignages des survivantes, afin de résister et de lutter contre la déshumanisation.

 

Frédéric Vignot

(Seconde Guerre mondiale) / n°3 / 07-08-02

 

Fin de la première partie.

A suivre: Auschwitz-Birkenau, Bergen-Belsen, Dachau, Buchenwald et Orianenburg-Sachsenhausen.

 

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