La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.
7 Juillet 2010
Malgré les journées sombres de 1943 et les nombreuses arrestations, malgré les déportations vers l'Allemagne et les exécutions de plus en plus sauvages, la Résistance aborde le printemps 1944 avec espoir. Les initiatives individuelles sont devenues mouvements organisés. Reste à s'entendre pour l'épilogue.
La lutte armée est au centre des discussions et, dans la pratique, prend désormais autant de
place que les activités de renseignements et de propagande. Plusieurs grands maquis se sont constitués dans l'ancienne << zone Sud >> et en
Bretagne. Les réfractaires au travail obligatoire en Allemagne (S.T.O.) y affluent. Si les recrues sont nombreuses, les armes manquent,
cependant.
Des plans de sabotage et d'obstruction ainsi que des moyens de communication et de transport ont été préparés. Des actions ponctuelles, prises souvent à l'initiative de chefs locaux ou régionaux, en ont déjà donné un avant-gout.
Un "Comi.Dac.", devenu bientôt un "Com.Dac." (Comité d'action), tente de coordonner les entreprises. Son influence réelle est à la mesure de la réalité des liens qui existent entre les organisations locales ou régionales de résistance, et l'embryon de pouvoir qu'exercent, à Londres comme à Alger, les instances supérieures du C.F.L.N. (Comité Français de Libération Nationale).
Si les bombes tombent du ciel, les avions alliés intensifient également les parachutages d'objets et de papillons qui renversent les rôles et mettent souvent les rieurs du côté des Alliés. L'écoute de la radio de Londres est devenue une sorte de bravade dans la plupart des foyers, où on n'oublie guère l'heure des messages, en prenant bien soin, avant d'éteindre le poste, de remettre le curseur sur Radio-Paris. Tout le monde chantonne le célèbre << Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand!>> ... tout en écoutant, les chroniques que Philippe Henriot débite d'une voix d'airin.
Un grand mouvement s'est produit dans l'opinion publique. De l'avis général, les Allemands ont perdu. La seule question est de connaître l'échéance finale. Cependant, cela ne veut pas dire que la cause de la Résistance soit adoptée unanimement. Certaines exactions vraies ou supposées des maquisards, les risques de représailles, les prises d'otages, les exécutions brutales, par les Allemands et la Milice, entretiennent un climat de méfiance et de crainte que l'aura du << vieux maréchal >> à de plus en plus de mal à détendre.
L'idée que Pétain est un "bouclier" devant les Allemands s'estompe. Ses visites sur les lieux des bombardements anglo-américains sont peut-être les seules occasions, encore, où il réunit des foules comme à Rouen ou Paris.
Par les nuits sans lune, le trafic aérien entre l'Angleterre et la France s'est
renforcé. Il s'agit de parachutages mais aussi de passages clandestins à bord d'avions légers du type "Lysander". Sur le littoral, les embarquements et débarquements clandestins de
résistants, parfois de commandos, se multiplient.
L'activité première de ses hommes des services spéciaux est le renseignement: certains rapporteront des sacs... de sable normand, à Londres. Les officiers d'Etat-Major qui préparent le débarquement veulent tout savoir et connaissent à peu près tout de chaque mètre de la côte. A ce travail, les résistants bretons, normands ou picards, ont tenu depuis longtemps un rôle irremplaçable.
Les passagers des bateaux de la nuit -sauf initiatives individuelles, de plus en plus difficiles et risquées- sont des messagers, des dirigeants de mouvements rejoignant Londres ou Alger, surtout des aviateurs alliés tombés sur le sol français et qui ont eu de la chance d'être recueillis par des filières d'évasion.
Une grande activité bureaucratique semble s'être emparée des organisations de la Résistance. Cependant, le volume de rapports produits est proportionnel à la montée en importance de ces organisations. Depuis des mois, le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignements et d'Actions) et des individualités comme Jean Moulin (arrêté le 21 juin 1943), ont tout fait pour que se rassemblent les énergies et les initiatives, les impatiences et les... ambitions.
Au niveau des Etats-Majors, à l'exception des branches militaires qui ont une action effective sur le terrain, la Résistance semble la proie d'interminables discussions, de rivalités exacerbées par l'approche de la victoire, de traquenards procéduriers et autres pratiques parlementaires.
Le "Gouvernement" de la France Libre, ainsi que le C.F.L.N. sont installés à Alger depuis le 3 juin 1943. Il a son chef: le général de Gaulle, ses "ministres" qui représentent, en fait, les grands courants de la Résistance (d'abord sans, puis avec les communistes). Alger a donc vu arriver, dans les semaines qui ont suivi cette installation, les délégués de la plupart des organisations.
Le 15 mars 1944, l'Assemblée consultative d'Alger, composée précisement de ces délégués, décide de donner au C.F.L.N. le nom de "Gouvernement Provisoire de la République Française" (G.P.R.F.). Le nouveau Gouvernement prépare lois et décrets pour le jour où la France sera délivrée. Il règle aussi, à l'avance, le sort des dirigeants les plus compromis avec l'occupant allemand, y compris le maréchal Pétain.
La France résistante s'est dotée, parrallèlement, d'un autre "Gouvernement". Celui-ci
semble même posséder une grande légitimité puisqu'il émane des mouvements "de l'intérieur" directement aux prises avec l'occupant allemand, les forces du maintien de l'ordre de Vichy et la
cruauté de la répression.
Les représentants clandestins des principaux mouvements se sont constitués en Conseil National de la Résistance (C.N.R.), qui aurait tendance à élaborer sa propre politique. Ainsi, ce même 15 mars 1944, le C.N.R. a-t-il fait connaître les grandes lignes de son programme politique pour la gestion de l'après-guerre.
Y a-t-il eu, franchement, une concurrence et une lutte pour le pouvoir entre le G.P.R.F. d'Alger et le C.N.R. ? Il serait absurde de l'affirmer puisque les représentants du général de Gaulle, à commencer par Jean Moulin puis Georges Bidault, sont alors à la tête de C.N.R.
Mais la rivalité est présente dans les faits. Ainsi, la Commission d'action de C.N.R. (COMAC) prendra-t-elle d'elle-même un certain nombre de décisions d'ordre militaire (l'insurrection de Paris, par exemple) sans en référer spécialement à Alger.
En mars 1944 à Alger, le général de Gaulle crée les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.). Le 16 mai, il signe une directive appelée "plan Caïman" qui ordonne la mise en oeuvre de plusieurs plans de sabotage sur toute l'étendue du territoire français occupé. Les F.F.I., théoriquement dirigées par le général Koenig, échapperont la plupart du temps à l'autorité d' Alger.
Les conflits du XXe siècle / N° 1 spécial / 1994