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Le blog de l'ULAC de Bagnolet

La réunion de 6 associations d'anciens combattants de la ville de Bagnolet (93). ACPG, ANACR, ARAC, FNDIRP, FNACA et UNC.

Varian Fry, un Juste parmi les Nations


Comment raconter l'histoire d'un homme ordinaire, dont l'engagement total est à l'origine d'une aventure extraordinaire qui permit d'aider et de sauver plusieurs milliers d'hommes et de femmes menacés par le nazisme? En suivant l'action de Varian Fry, journaliste américain, on mesure aujourd'hui toute l'importance de cette résistance de sauvetage qui participe pleinement de la Résistance en France.

Varian Fry a trente-deux ans lorsqu'il arrive à Marseille le 13 août 1940. Il a quitté New York huit jours plus tôt et, mandaté par l'Emergency Rescue Committee avec une liste de 200 noms en poche, il a une mission de courte durée: venir en aide aux écrivains, artistes, intellectuels et responsables politiques menacés par les nazis. Un an plus tard, il sera expulsé du territoire français et reconduit à la frontière. Entre-temps, à la tête du Centre américain de secours, il a mis en place une organisation d'une grande efficacité qui, en s'engageant progressivement dans l'illégalité et la clandestinité, va étendre sa protection à 4 000 personnes et d'organiser l'évasion de près de la moitié d'entre elles.

Quel est son parcours jusque là? Varian Fry est né le 15 octobre 1907 à Rochester dans l'Etat de New York. Fils d'un courtier de Wall Street, il découvre la politique à travers la grande crise de 1929. C'est un intellectuel passionné d'histoire, qui connaît l'Europe et ses cultures. Diplômé de Harvard en 1931, il s'oriente vers l'étude des relations internationales et épouse Eileen Hughes qui partage ses opinions libérales. Il est tour à tour journaliste, éditeur et collabore à diverses revues politiques - c'est ainsi qu'il lie connaissance avec des exilés antinazis. En 1935, il se rend en reportage à Berlin et là, témoin impuissant de la violence nazie, il prend conscience du climat de haine et des persécutions antisémites qui vont en contraindre beaucoup à l'exil.


En juin 1940, au moment où la France capitule, des intellectuels fondent à New York un comité d'urgence (Emergency Rescue Committee) chargé de venir  en aide aux réfugiés les plus exposés dans la zone sud de la France. Cette structure qui bénéficie de l'engagement de personnalités influentes ainsi que de l'appui efficace d'Eleanor Roosevelt, épouse du président, dresse une liste de deux cents noms et décide d'envoyer un de ses représentants: Varian Fry se porte candidat. Muni de cette liste, le jeune journaliste découvre Marseille, ville de toutes les rencontres, de tous les espoirs, devenue refuge pour de nombreux exilés, Juifs, anciens des Brigades internationales...

Mais la cité phocéenne abrite également la fine fleur de l'avant-garde intellectuelle et artistique européenne. Le Centre américain de secours installe ses bureaux et Varian Fry constitue son équipe. Il élit domicile dans une vaste maison, la villa "Air-Bel", dans la banlieue marseillaise qui va accueillir André Breton et de nombreux artistes en transit. Très vite, elle devient une parenthèse de paix pour ses hôtes, et une véritable communauté intellectuelle s'organise autour des surréalistes. Mais l'Américain découvre sur place une autre réalité et prend conscience du rôle restrictif de sa mission: comment se résoudre à ne sauver que quelques élus pour leur rayonnement culturel, scientifique ou politique et ignorer des anonymes menacés par les persécutions raciales en cours?

Varian Fry va progressivement transformer sa mission initiale d'un mois en une véritable action humanitaire de longue durée. Cette prise d'indépendance et cette évolution vers l'action clandestine vont l'opposer à ses mandataires qui finissent par le désapprouver mais surtout à l'administration de Vichy qui l'expulsera pour avoir <<protégé des Juifs et des antinazis>>. Il parvient cependant, entre août 1940 et septembre 1941, à organiser l'exil de près de 1 800 personnes. Parmi elles, de nombreux intellectuels et artistes comme Hannah Arendt, Max Ernst, André Breton, Marc Chagall, Arthur Koestler, Max Ophüls...

De retour aux Etats-Unis, Varian Fry tente par tous les moyens de mobiliser l'opinion publique contre l'entreprise d'extermination des nazis. En 1945, il publie Livrer sur demande, récit de son périple en France dont la préface est censurée par son éditeur. Le livre ne paraîtra en France qu'en 1999 sous le titre La Liste noire.

Oublié de tous, il devra attendre le 12 avril 1967 pour que la France l'honnore et le fasse Chevalier de la Légion d'Honneur. Ce fut la seule reconnaissance officielle reçue de son vivant. Il décédera cinq mois plus tard, le 13 octobre. En 1996, il est le premier Américain à être honoré du titre de Juste parmi les Nations.

Les Chemins de la Mémoire / n° 180-02-2008
















La Liste Noire de Varian Fry
ISBN: 2-259-18972-5
Editions PLON
Parution du 04/03/1999
282 pages
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T
Bonjour, l'article que j'ai cité, parle de Charles Fawcett, mais autrement vous avez ce lien, en anglais :http://www.varianfry.org/fawcett_en.htmcordialement, Giraud Thierry.
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T
Je suis en train de lire un article d'Anne Grynberg :" New-York, capitale des exilés", Revue Autrement, n°35, février 1995,  New-York 1940-1950, p.14 à 36, où l'auteur parle des différentes filières pour partir d'Europe, pendant la guerre, et évidemment aborde le rôle de l'ERC et de son émissaire en France, Varian Fry. A noter, aussi, la personnalité hors-norme de quelques de ses collaborateurs, comme l'incroyable Charlie Fawcett, athléte et artiste, baroudeur durant la guerre et acteurs de cinéma après-guerre !
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F
<br /> Cher Ami et lecteur, je vous remercie du commentaire que vous avez bien voulu laisser sur l'article de Varian Fry. Je vous suis tout-à-fait reconnaissant d'avoir voulu relever également le rôle<br /> important qu'à jouer Charlie Fawcett. Malheureusement, je n'ai aucune documentation ni image sur le personnage.<br /> Peut-être de votre côté avez-vous ce genre de documents? Si c'était le cas, je me ferais un grand plaisir, avec votre accord, de publier un complément d'article en citant bien entendu vos<br /> références.<br /> Encore merci pour votre commentaire précis et pertinent.<br /> <br /> François GERVAIS<br /> <br /> <br />